La force d’un écosystème
J’ai vu passer avec un immense plaisir l’annonce de la transaction entre GSK et Bellus Santé. Quand on dirige la grappe industrielle des sciences de la vie et technologies de la santé du grand Montréal, il est difficile de bouder son plaisir quand une de nos entreprises conclut une entente record évaluée à 2 milliards de dollars américains. On ne voit vraiment pas ça tous les jours.
Mon sentiment de satisfaction est amplifié par le fait que je suis actif dans ce secteur depuis assez longtemps pour connaitre l’origine et le parcours de la molécule Camlipixant qui est au centre de cette transaction. Un des rares privilèges de l’âge…
Le mérite de ce beau succès revient entièrement à Bellus Santé, son PDG Roberto Bellini et toute son équipe. Aucun doute là-dessus.
Mais il est intéressant de comprendre d’où vient cette fameuse molécule, Camlipixant. Bellus Santé a été créée en 2008 à la suite du changement de dénomination sociale de la compagnie Neurochem Pharma, elle-même existante depuis plusieurs années. Bellus a acquis la molécule, en phase de développement préclinique, de l’Institut NÉOMED en 2017 pour environ 3 millions de dollars.
Qu’est-ce que l’Institut NÉOMED? Créé en 2012 à l’initiative de Montréal InVivo et sous le leadership de Max Fehlmann et de Philippe Walker, NÉOMED avait comme objectifs de retourner plus d’argent aux universités du Québec qui développaient des molécules thérapeutiques, de maintenir l’expertise montréalaise en développement du médicament suite aux fermetures de centres de RD pharmaceutiques de la région et d’attirer des investissements privés d’envergure.
Cette initiative structurante soutenue par le CA de Montréal InVivo et son président de l’époque, Paul Lévesque, s’est développée courant 2011 et suite à l’annonce de la fermeture du centre de recherche d’AstraZeneca à Ville Saint Laurent, il a été décidé de faire atterrir le projet dans ces locaux à la fine pointe du développement thérapeutique. Max et son équipe ont su négocier brillamment avec AstraZeneca et obtenir la cession gratuite des locaux et des équipements en place. Le gouvernement du Québec a investi 28M$ dans le projet et les compagnies AstraZeneca et Pfizer Canada, 8.5M$. L’Institut NÉOMED était né! NÉOMED s’est transformé au fil du temps pour devenir adMare BioInnovations suite à la fusion avec CDRD de Vancouver mais les objectifs initiaux restent biens présents.
Au moment de la création, AstraZeneca a également cédé à NÉOMED trois molécules prometteuses qui n’étaient cependant plus priorisées par la compagnie. Vous me voyez venir, l’une d’entre elles est devenue quelques années plus tard Camlipixant…
Les leçons que je tire de cette belle histoire sont que cela prend tout un écosystème pour atteindre le succès dans notre secteur. Cette capacité à nous mobiliser autour de porteurs projets et d’objectifs structurants fait définitivement notre force. La patience et la résilience sont également de mise. Il s’est passé 11 ans depuis le début du travail sur la molécule par NÉOMED dont 6 ans de développement clinique par Bellus Santé. Finalement, l’accès au capital prend ici toute son importance car des investissements de près de 500M$ ont été nécessaires pour que Bellus Santé puisse frapper un coup de circuit avec cette transaction avec GSK. C’est remarquable!