Actuellement, les chimistes qui développent de nouveaux médicaments travaillent de manière très itérative : c’est beaucoup d’essais et d’erreurs. La promesse de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine, c’est de venir rationaliser ce processus.
La toute jeune entreprise pharmaceutique Valence, établie à Montréal et hébergée par l’institut de recherche Mila, utilise l’intelligence artificielle pour accélérer la découverte de nouveaux médicaments. « Nous sommes en train de développer l’un des plus puissants chemistry engines au monde, pour pouvoir faire du design et de l’optimisation de molécules », explique Therence Bois, directeur des opérations de l’entreprise.
À l’heure actuelle, pour développer un médicament, les chercheurs commencent par déterminer une « cible thérapeutique », c’est-à-dire une protéine ou une substance qui a un lien établi avec une maladie. Puis, ils imaginent et synthétisent les molécules qui pourraient agir sur cette cible thérapeutique. Le problème, c’est qu’on peut très difficilement savoir à l’avance quelle molécule va effectivement réagir de la bonne façon : il faut donc synthétiser et tester des dizaines de candidates avant de tomber par chance sur la bonne ; un processus fastidieux et très onéreux.
Un tri prometteur
Là où l’intelligence artificielle change la donne, c’est qu’on peut s’en servir pour prédire quelles molécules vont bien faire avant de commencer à les tester en laboratoire.
À travers tous les essais qui sont menés par diverses entreprises, il y a des données qui sont générées. Ce qu’on essaye de faire à Valence, c’est de se servir de ces données pour créer des modèles qui peuvent prédire les réactions des molécules.
Therence Bois, directeur des opérations chez Valence
Les modèles comme ceux développés par Valence ne sont pas assez précis pour déterminer à coup sûr quelles seront les bonnes molécules, mais ils peuvent orienter les chercheurs vers des molécules plus prometteuses et ainsi grandement réduire le nombre d’essais en laboratoire nécessaires avant de trouver la bonne molécule. Ils peuvent aussi aider à prédire si les molécules seront toxiques ou non – une qualité fort utile quand on sait que certains médicaments doivent parfois être rejetés après des millions de dollars investis à cause d’effets secondaires qui n’avaient pas été détectés.
Travailler avec le minimum
Si l’intelligence artificielle développée par Valence est si innovante, c’est qu’il est particulièrement difficile d’appliquer l’IA au développement de médicaments. « Dans d’autres domaines, on peut baser notre intelligence artificielle sur des millions d’exemples. En pharmacologie, comme les essais cliniques sont très coûteux à faire, il y a beaucoup moins de données et donc les technologies classiques de deep learning ne fonctionnent pas », explique Therence Bois.
Le nerf de la guerre, c’est donc d’adapter son IA pour qu’elle fonctionne avec le moins de données possible. Pour relever ce défi, Valence peut compter sur l’expertise des experts de l’institut Mila, au sein duquel elle a ses pénates. « Nos recherches portent sur une nouvelle classe d’algorithme de type few-shot learning, qui nous permet de développer des modèles avec seulement 50 ou 100 points de données. »
Depuis son démarrage, Valence a collaboré avec de plus grosses entreprises pour les aider dans le développement de leurs propres médicaments, surtout dans le domaine de l’oncologie. Pour l’avenir, Therence Bois voit cependant bien plus gros.
« À la fin de 2021, on a fait une ronde de financement pour pouvoir étendre nos activités. Ce sur quoi on travaille en ce moment, c’est de commencer à développer nos propres médicaments tout en continuant à donner accès à notre technologie à d’autres groupes. »